Le Canada se munit d’une nouvelle taxe sur les services numériques

On rapporte que le budget 2021 déposé récemment par le gouvernement fédéral canadien comprend une nouvelle forme de taxe, laquelle viserait à faire en sorte que les sociétés et services numériques souvent étrangers (Netflix, Spotify, Amazon Prime, etc.) paient leur juste part sur les revenus qu’ils génèrent par des services numériques rendus au Canada. La nouvelle « taxe sur les services numériques » (« TSN », ou « DST » en anglais) entrerait en vigueur le 1er janvier prochain.

Cette initiative fait suite à la décision du pays de collecter la taxe de vente (TPS) sur les services d’abonnement numériques, emboîtant ainsi le pas à des initiatives comme celles du Québec et visant à profiter, un tant soit peu, des profits monstres que les médias numériques peuvent dégager. On viserait d’ailleurs ainsi plus que seulement la diffusion en continu, puisque l’intention est de couvrir aussi les plateformes de médias sociaux et les moteurs de recherche (générant des profits de la publicité grâce à des données recueillies des utilisateurs), les plateformes d’intermédiation qui créent des marchés en ligne, etc.

Le taux de la nouvelle taxe (un impôt, en fait) s’élèverait à 3% des revenus découlant de services à des Canadiens. Le Canada s’attend à ce que cette nouvelle taxe sur les services numériques lui permette de dégager plus de 500 millions de dollars annuellement. Avec de tels chiffres, difficile de résister, il faut avouer.

Le gouvernement mène actuellement une consultation sur la taxe sur les services numériques, laquelle est ouverte jusqu’au 18 juin prochain.

Les diffuseurs de films et d’émissions en ligne dans la mire du législateur canadien

Les médias rapportaient hier matin que le gouvernement fédéral canadien envisage sérieusement de légiférer pour mieux encadrer les diffuseurs de contenu en ligne, comme Netflix, Amazon Prime Video, Disney+ et Crave.

Le but ici serait de dorénavant mieux encadrer ce type de diffusion de contenu, jusqu’à maintenant largement demeurée libre de faire ce qu’on y veut, incluant par rapport au contenu canadien, etc. Selon le ministre du Patrimoine, il n’est pas approprié que nos diffuseurs traditionnels, eux, soient contraints par nos lois, alors que Netflix et compagnie ne le sont pas du tout, ou du moins très peu.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (le «CRTC») pourrait donc se voir octroyer une nouvelle juridiction sur les diffuseurs en ligne, à l’instar de ce qu’il fait déjà par rapport aux diffuseurs traditionnels, comme Radio-Canada. On présente le tout comme une question d’équité, alors que la nouvelle donne laisse nos diffuseurs ordinaires en situation de désavantage dans le marché.

Selon le ministre:

Le projet de loi, espère le ministre Guilbeault, viendra combler l’écart concurrentiel entre les diffuseurs canadiens traditionnels et leurs concurrents en ligne, qui sont souvent basés à l’étranger. Il permettra en outre à l’État de recueillir 830 millions de dollars d’ici 2023, selon ses estimations.

Parlant d’œuvres protégées par le droit d’auteur

Je tombais récemment sur plusieurs nouvelles intéressantes en matière d’œuvres et de droit d’auteur. À ce sujet, je me permets de mentionner au passage que je donnerai un webinaire (pour Thomson Reuter), ce mercredi, intitulé: «Les droits d’auteur au Canada : ce que tout juriste devrait savoir», si jamais cela peut vous intéresser.

Voici une première affaire dont traitaient récemment les médias au sujet du film Toy Story 4. Comme vous le savez peut-être, ce film d’animation de 2019 (par Pixar et Disney) comprend un personnage nommé Duke Caboom qui se veut un cascadeur en moto du genre Evel Knievel, dont la succession se plaint maintenant devant les tribunaux à cause de cette ressemblance. D’accord, cela n’est pas réellement une question de droit d’auteur, mais l’histoire s’avère néanmoins d’intérêt, dans le genre «only in America».

Ce qu’il faut comprendre ici, c’est que la ressemblance entre le personnage de Duke Caboom et le casse-cou des années 1970 tient essentiellement à l’idée d’un gars qui gagne sa vie à faire des cascades publiques en moto, d’une façon un peu flamboyante. Le genre avec un costume de cascadeur kitsch, un casque, etc., mais rien d’autre! Si Evel Knievel avait été un personnage fictif, la version Duke Caboom n’en aurait sans doute pas été considérée une copie, pas plus que ce personnage n’emprunte assez à l’individu réel pour qu’on soit en présence d’un vrai problème en droit, selon moi. Dans le genre dossier douteux, j’aurais tendance à dire. Qu’à cela ne tienne, le fils d’Evel Knievel y voit un motif pour tenter de chercher à obtenir un dédommagement… pour un petit 75 000$US, c.-à-d. des poussières comparativement au milliard que Disney a réalisé avec ce film au box-office.

Une deuxième histoire que je remarquais récemment dans les médias en matière d’œuvres touche l’artiste connu sous le nom de Bansky. Celui-ci a tenté puis échoué dans une tentative de protéger l’une de ses œuvres («Flower Thrower») par un enregistrement de marques de commerce (EUTM). Le hic ici? Bansky aurait été cité à répétition comme ayant affirmé avoir créé un magasin et des biens tangibles à vendre aux seules fins de créer de l’usage au sens du droit des marques, pas afin de réellement soutenir une entreprise et son achalandage. Une telle tentative de contourner la loi aurait corrompu l’usage de la prétendue marque, en en faisant essentiellement de l’usage factice que le droit devrait considérer comme inexistant. Pas d’usage, pas de marque – évidemment.

Le fait que l’artiste refuse d’être identifié cause aussi un problème en droit, puisque la propriété de droits quant à une marque et une œuvre impliquera généralement d’en connaître le détenteur. Les droits d’auteur quant à l’œuvre en question s’avèrent d’ailleurs aussi problématiques, selon la décision en question, notamment à cause de l’anonymat et du fait que l’artiste a délibérément choisi de créer son œuvre sur la propriété d’un tiers (puisqu’il s’agissait d’un graffiti), la plaçant ainsi à la vue de tous, libre de restrictions quant à sa réutilisation future. Question intéressante: le graffiteur renonce-t-il de facto à l’usage de ses droits? Question intéressante qui, à ma connaissance, n’a pas encore de réponse au Canada, bien que je sois persuadé que les tribunaux américains et britanniques s’y sont déjà collés.

Ma troisième histoire d’œuvres et de droit d’auteur de cette semaine touche le nouveau film Enola Holmes de Netflix. Selon la succession de Sir Conan Doyle (auteur de Sherlock Holmes), bien que l’œuvre de base soit tombée dans le domaine public, la nouvelle œuvre de Netflix emprunte trop aux éléments de l’œuvre originale qui, eux, demeurent protégés par des droits d’auteur. La succession poursuit donc Netflix devant les tribunaux pour contrefaçon.

Intéressant de voir à quel point les avocats de la succession doivent faire preuve de créativité ici, alléguant des emprunts à la personnalité exacte de Sherlock des derniers romans de la série, afin de justifier la base de leur recours. Ce n’est pas que Sherlock soit montré qui s’avère problématique, selon eux, c’est qu’il ressemble trop à ce que le personnage est devenu vers la fin. Selon eux, puisque Sherlock Holmes n’exprimait pas de sentiments au début, mais que, le personnage le faisant dans les livres plus récents, il s’agit d’un trait de la personnalité du personnage qui demeure protégé et, donc, non susceptible d’être intégré à une nouvelle œuvre sans d’abord obtenir une licence de la part de la succession. Ouf! – disons que c’est subtil, comme distinction. Le juge embarquera-t-il là-dedans? C’est à voir.