À propos de Techtonik Legal

Je travaille en tant qu'avocat au Canada et pratique principalement dans les domaines des technologies et des intangibles, incluant quant à ce qui touches les technologies, la propriété intellectuelle, les télécommunications et les renseignements personnels.

L’étau se resserre autour des individus qui se cachent derrière des sociétés canadiennes

Selon les médias, le gouvernement fédéral canadien serait à réaliser qu’il existe un problème criant de transparence quant à la propriété des entreprises chez nous. Comme le font pas mal de juridictions (dont le Québec), on considèrerait donc créer un registre afin d’identifier qui sont les véritables individus derrière les sociétés incorporées en vertu de la loi fédérale.

Au fédéral, bien que la loi prévoit depuis quelques années l’obligation d’avoir un registre interne, chez chaque entreprise, de qui sont les véritables propriétaires (individus), cette info n’avait pas jusqu’à maintenant à être disponible ni communiquée à quiconque. C’est ce qui pourrait changer avec un nouveau registre public dans lequel on consignerait telle information.

Au Québec, comme on s’en rappellera, le Registraire des entreprises du Québec (le «REQ») pourra d’ici quelques jours commencer à demander plus d’information quant aux individus impliqués dans des sociétés, dont des dates de naissance et des copies de pièce d’identité pour certains impliqués, tels que les administrateurs. Par exemple, toute entreprise qui soumet sa déclaration annuelle après le 31 mars 2023 devra fournir plus d’info quant aux individus qui sont impliqués chez elle. C’est un pas vers la transparence qui devrait régir nos entreprises, dans une société démocratique de droit.

Le REQ commencera aussi probablement d’ici à l’an prochain à mettre en ligne de l’info sur qui sont les «bénéficiaires ultimes» (les propriétaires véritables, en quelques sortes) et modifiera même sa base de données afin de (finalement!) permettre d’y chercher dans quelles entités tel ou tel individu est impliqué.

Je vous dirais qu’à voir les libertés que prennent certains individus véreux de tout acabit au Canada, pour oculter ou dissimuler leur participation dans des entreprise (voir cet exemple criant dans les nouvelles de ce matin), il n’est pas trop tôt. Évidemment, il y a les règles puis  il y a ce qui arrive réellement si une personne ou une entreprise ne les suit pas. Je soupçonne qu’il y aura un certain délai avant qu’on ne réalise que nos nouvelles règles ne nous permettent peut-être pas de véritablement parvenir au but recherché, compte tenu des lacunes quant aux sanctions applicables.

Avec l’arrivée des froids de février, temps de geler aussi votre dossier de crédit?

Depuis le 1er février, les Québécois peuvent finalement bénéficier d’un type de dispositif de protection adopté il y a plusieurs années aux États-Unis et leur permettant de geler leur dossier de crédit. Le but, vous le comprendrez, est d’éviter que des mécréants ne profitent de l’ouverture du système de crédit canadien pour obtenir des prêts ou activer des cartes et des marges de crédit à votre nom, sans que vous le sachiez -i.e. voler votre identité, en langage de tous les jours.

Ce qu’il faut comprendre à ce sujet, c’est que le Québec se dotait d’une nouvelle loi intitulée la Loi sur les agents d’évaluation du crédit il y a de cela un moment mais dont un article décrivant une mesure de protection optionnelle n’était jusqu’à tout récemment pas encore en vigueur. Depuis le 1er février 2023, par contre, cette loi donne le droit aux Québécois d’effectuer ce qu’elle nomme un «gel de sécurité» du leur propre dossier de crédit. Ce dispositif gagnerait à être connu des Québécois, de plus en plus victimes de vols d’identité, tellement notre système de protection des renseignements s’apparente à un passoir.

Un gel, une fois en place, empêche les tiers d’obtenir vos renseignements personnels par une agence de crédit visée, quand ce tiers affirme vouloir les obtenir pour mettre en place du nouveau crédit ou un contrat de louage ou de service, comme le font les banques ou les entreprises de télécom quand on veut emprunter ou s’abonner, par exemple. Dès lors, plus de possibilité pour des tiers, mal intentionnés ou non, d’interroger la base de données ou d’enclencher le processus normal de mis en place de nouveaux prêts. Quand cela le produit, l’agence de crédit doit évidemment aussi aviser le tiers visé de l’existence de ce gel, pour expliquer le refus de répondre comme elle le fait habituellement quand un prêteur la contacte pour obtenir votre cote et votre dossier de crédit.

En gros, une fois que vous activez un gel de sécurité : toute tentative d’activer de nouveaux prêts ou de nouvelles cartes de crédit frappe un mur qui indique que l’individu visé a déclaré ne plus vouloir emprunter -il y a donc un problème pour le prêteur ou le fournisseur potentiel, lequel refusera alors normalement la tentative d’activation que «vous» lui aviez présenté. Fâchant si c’est bien vous mais fort utile si c’est en réalité un mécréant qui est à tenter de vous escroquer en se faisant passer pour vous.

Ce que cette loi décrit comme des «agent d’évaluation du crédit», ce sont les Equifax et Trans-Union de ce monde, qu’on a expressément désignés comme tel en vertu de cette loi. Ce sont ces entreprises auxquels la loi est donc appliquée et auxquelles il faut s’adresser pour effectuer un gel de son dossier de crédit.

Donc, depuis le 1er février, si vous voulez vous protéger des tentatives éventuelles de vol d’identité, vous disposez dorénavant d’un excellent nouvel outil, dans la mesure où vous n’êtes pas du genre à vouloir constamment vous munir de nouvelles cartes de crédit ou d’autres formes de crédit, évidemment. Au besoin, on peut faire un gel et le mettre sur pause plus tard, sujet à faire alors les démarches qui s’imposent, évidemment.

En principe, selon ce que je comprends, ce gel doit être offert GRATUITEMENT, contrairement à des abonnements relatifs à des services comme Equifax Complete, par exemple, pour lesquels les agences de crédit peuvent exiger des frais.

Les agriculteurs américains convainquent John Deere de leur permettre de réparer leurs tracteurs

On annonçait récemment que les agriculteurs américains sont finalement parvenus à convaincre le fabricant de tracteurs JOHN DEERE de leur permettre d’entretenir et de réparer leurs appareils de ferme de cette marque, et ce, sans nécessairement passer par le réseau du manufacturier.

Dans les faits, c’est l’American Farm Bureau Federation (un organisme gouvernemental s’occupant d’agriculture aux États-Unis) qui vient de s’entendre avec le fabricant, dans une lettre d’entente (un Memorandum of understanding -our MoU). Ce MoU vise en principe à faciliter l’entretien et la réparation de l’équipement agricole de cette marque par les fermiers eux-mêmes. Selon l’entente, les agriculteurs pourront notamment désormais faire appel à de techniciens indépendants, plutôt que nécessairement ceux qui sont autorisés par la société John Deere. Pour le faciliter, le fabricant devra désormais donner accès à de l’information, des ressources et des outils requis pour quiconque veut faire de l’entretien ou réparer un tracteur de marque JOHN DEERE, par exemple. Cela peut comprendre donner accès à la documentation, des logiciels, des outils spécialisés sans lesquels le travail sur un tracteur moderne s’avère impossible ou difficile.

Comme c’est souvent le cas avec le matériel moderne, en effet, sans accès à de la documentation, des spécifications détaillées et des outils spécialisés (dont logiciels), on ne peut souvent pas faire grand chose pour réparer ou même mettre à jour du matériel, ce qui s’étend désormais à de l’équipement agricole, désormais aussi technologique que n’importe quel type de véhicule.

Suite à la conclusion de ce MoU, le fabricant devrait donc à l’avenir rendre accessible les éléments requis pour que les fermiers et exploitants agricoles puissent diagnostiquer, entretenir et réparer leur équipement de cette marque, que ce soit eux-mêmes ou par l’entremise de technicien indépendants. Jusqu’à maintenant, on insistait pour que tout entretien ou réparation se fasse par l’entremise du réseau de techniciens autorisés John Deere qui, eux seuls, disposaient des éléments et outils requis.

Fait intéressant, le MoU comprend une mention expresse qu’il n’obligera en rien la société John Deere à divulguer quelques renseignements confidentiels ou secrets industriels (secrets commerciaux). Cette limite a le potentiel de limiter passablement ce que le fabricant devra rendre disponible dans les faits, puisqu’on peut prétendre sans trop de difficulté qu’à peu près n’importe quels éléments techniques s’avèrent secrets ou confidentiels.

Il sera intéressant de voir ce que cela donnera en pratique sur le terrain et dans quelle mesure ce mouvement s’étendra aux autres domaines et industries, aux États-Unis et ailleurs comme au Canada. En attendant, c’est tout de même un beau coup pour le mouvement du droit à la réparation.