L’IA nommé LaMDA : tour de magie ou tour de force?

Circule depuis quelques jours l’histoire d’un ingénieur de Google nommé Blake Lemoine qui aurait circulé des messages affirmant qu’un programme d’intelligence artificielle («IA») nommé LaMDA (créé par Google) aurait atteint le stade où on devrait le considérer comme une personne capable de raisonnement. Huh?

Malgré le sensationnalisme de l’affaire, semble que les spécialistes s’entendent pour dire qu’on est pas pour l’instant au stade où on peut considérer que l’IA permet réellement aux ordinateurs de réfléchir -seulement de bien imiter les affirmations et les réponses d’humains. Certes, on peut clavarder avec un programme d’IA comme LaMDA et avoir l’impression de converser avec un enfant, mais la réalité c’est que, dans l’état actuel de la technologies, la chose relève plus de la supercherie, ou disons de l’illusion (pour être plus charitable), que de la création de véritables personnalités numériques.

Semble que les programmes conversationnels comme LaMDA s’avèrent essentiellement très bons pour recracher des bouts de phrases chapardés sur Internet, au bon moment, en réponse à des questions qu’on leur pose. Les échanges avec LaMDA peuvent donc ressembler à des discussions avec un être qui réfléchit et qui possède des désirs et des intentions, sans pour autant qu’un être soit réellement de l’autre côté de l’écran. Comme un tour de cartes sur scène, c’est charmant mais pas exactement susceptible de redéfinir notre paradigme du monde qui nous entoure, disons.

La raison pour laquelle je partage cette histoire avec vous, c’est qu’elle nous donne un aperçu de ce qui risque d’arriver, au cours de années et des décennies à venir, alors que l’IA continuera de se développer et d’approximer de mieux en mieux ce que c’est de réfléchir. Il y a fort à parier qu’au fil des années, on risque de voir un nombre croissant d’histoires pareilles, au sujet de programmes qui sembleront dotés d’une personnalité réellement capable de réflexion. Ce n’est pas demain la veille, mais cela pourrait fort bien cesser d’être de la science-fiction, tôt ou tard. Il nous faudrait alors collectivement réexaminer ce que c’est un être et, peut-être alors, modifier notre droit en conséquence afin d’encadrer ce nouveau type de personne intangible, incluant ce que le droit devrait leur reconnaitre comme droits.

La Cour suprême tranche: le concept de peine cruelle ou inusitée ne s’applique pas aux personnes morales

La Cour suprême du Canada  (la « C.S.C. ») rendait récemment une décision renversant une décision de la Cour d’appel (du Québec), en matière de peines cruelles ou inusités. L’affaire, Procureure générale du Québec, et al. c. 9147-0732 Québec inc. (2020 CSC 32) est centrée sur la question de savoir si une société incorporée peut, elle, invoquer ou non la protection de la Charte canadienne des droits et libertés, lorsque confrontée à une amende imposée par l’État.

Cette histoire commence en 2017, quand une entreprise de Trois-Rivières (exploitée par le biais d’une personne morale incorporée) et agissant comme entrepreneur est déclarée coupable d’avoir exécuté des travaux de construction sans pour autant détenir le permis requis pour ce faire, contrairement à l’art. 46 de la Loi sur le bâtiment du Québec (la « Loi »). Selon les dispositions pénales de cette loi, quiconque contrevient à cette obligation statutaire s’avère passible d’une amende minimale obligatoire. En se fondant sur cette disposition de la Loi, le tribunal impose alors à la société accusée une amende de 30 843,00 $. Ce montant s’avère assez élevé pour inciter l’entreprise visée à tenter de s’en sortir en disant qu’elle est ainsi persécutée par l’État d’une façon disproportionnée.

La société visée porte donc la décision en appel, éventuellement jusqu’en Cour d’appel, laquelle lui donne alors raison: oui, les personnes morales peuvent effectivement invoquer la protection de l’art. 12 de la Charte. Selon le tribunal d’appel, juridiquement, une personne morale peut être exposée à une peine cruelle ou inusitée si on lui impose une amende trop lourde ou sévère, ce qui peut en faire une violation de la Charte canadienne. Devant cet arrêt, le gouvernement du Québec porte alors la décision en appel devant la C.S.C., laquelle est appelée à trancher à savoir si une société incorporée peut ou non se prévaloir des droits que confèrent la Charte canadienne.

Malheureusement pour l’entreprise délinquante, la C.S.C. tranche au final que l’art. 12 de la Charte ne s’adresse pas aux entreprises exploitées sous forme d’une personne morale. L’expression « cruels et inusités » (en parlant de peines ou de traitements) connote une protection qui s’adresse aux seuls êtres humains. Ce qu’on protège ici c’est la dignité humaine. Or, lorsque la personne visée par une peine s’avère être une personne morale, aucun individu n’est réellement visé, si ce n’est que très indirectement.

Dans le cas qui nous intéresse, l’utilisation du mot « cruel » tend à indiquer qu’on vise à protéger des êtres humains par l’entreprise de l’art. 12 de la Charte. Les mots qu’on utilise dans cette disposition (à savoir, « traitements ou peines cruels et inusités ») renvoient à la douleur et à la souffrance humaines, qu’elle soit physique ou mentale, pas simplement à une peine monétaire visant une personne qui n’a rien d’humain. Selon la majorité à ce sujet :

Pour qu’une amende soit inconstitutionnelle, elle doit être excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine, en plus d’être odieuse ou intolérable pour la société. Eu égard à l’objet de l’art. 12, ce critère est inextricablement ancré dans la dignité humaine et ne saurait s’appliquer aux traitements ou peines infligés aux personnes morales.

Comme on s’entend généralement que ce genre de protection vise à éviter que l’État ne puisse infliger des douleurs et des souffrances physiques ou morales, au moyen de peines dégradantes ou déshumanisantes, il semblerait étrange d’étendre la protection à de simples créatures artificielles créées par la loi et entièrement dépourvue d’humanité ou de dignité.

Bref, belle tentative de vous en tirer mais, non, cette entourloupette juridique ne passe pas le test: maintenant, payez et, la prochaine fois, munissez-vous du permis requis avant de faire des travaux de construction. Pas mal plus simple de devoir plaider jusqu’en Cour suprême une fois que vous vous faites pincer!

La Cour suprême tranche: le concept de peine cruelle ou inusitée ne s’applique pas aux personnes morales

La Cour suprême du Canada (la « C.S.C. ») rendait récemment une décision infirmant une décision de la Cour d’appel (du Québec), en matière de peines cruelles ou inusitées. L’affaire, Procureure générale du Québec, et al. c. 9147-0732 Québec inc. (2020 CSC 32) est centrée sur la question de savoir si une société incorporée peut invoquer ou non la protection de la Charte canadienne des droits et libertés lorsque confrontée à une amende imposée par l’État. En utilisant le mot «personne», la disposition de la Charte canadienne s’étend-elle aux personnes morales, par opposition aux seules personnes physiques?

Cette histoire commence en 2017, quand une entreprise de Trois-Rivières (exploitée par l’entremise d’une personne morale incorporée) et agissant comme entrepreneur est déclarée coupable d’avoir exécuté des travaux de construction sans pour autant détenir le permis requis pour ce faire, contrairement à l’art. 46 de la Loi sur le bâtiment du Québec (la « Loi »). Selon les dispositions pénales de cette loi, quiconque contrevient à cette obligation statutaire s’avère passible d’une amende minimale obligatoire. En se fondant sur cette disposition de la Loi, le tribunal impose alors à la société accusée une amende de 30 843$. Ce montant s’avère assez élevé pour inciter l’entreprise visée à tenter de s’en sortir en disant qu’elle est ainsi persécutée par l’État d’une façon disproportionnée.

La société visée porte donc la décision en appel, éventuellement jusqu’en Cour d’appel, laquelle lui donne alors raison: oui, les personnes morales peuvent effectivement invoquer la protection de l’art. 12 de la Charte. Selon le tribunal d’appel, juridiquement, une personne morale peut être exposée à une peine cruelle ou inusitée si on lui impose une amende trop lourde ou sévère, ce qui peut en faire une violation de la Charte canadienne. Devant cet arrêt, le gouvernement du Québec porte alors la décision en appel devant la C.S.C., laquelle est appelée à trancher à savoir si une société incorporée peut ou non se prévaloir des droits que confèrent la Charte canadienne.

Malheureusement pour l’entreprise délinquante, la C.S.C. tranche au final que l’art. 12 de la Charte ne s’adresse pas aux entreprises exploitées sous forme de personne morale. L’expression « cruels et inusités » (en parlant de peines ou de traitements) connote une protection qui s’adresse aux seuls êtres humains. Ce qu’on protège ici, c’est la dignité humaine. Or, lorsque la personne visée par une peine s’avère être une personne morale, aucun individu n’est réellement visé, si ce n’est que très indirectement.

Dans le cas qui nous intéresse, l’utilisation du mot «cruel» tend à indiquer qu’on vise à protéger des êtres humains par l’entremise de l’art. 12 de la Charte. Les mots qu’on utilise dans cette disposition (à savoir, «traitements ou peines cruels et inusités») renvoient à la douleur et à la souffrance humaines, qu’elles soient physiques ou mentales, pas simplement à une peine monétaire visant une personne qui n’a rien d’humain. Selon la majorité à ce sujet :

Pour qu’une amende soit inconstitutionnelle, elle doit être excessive au point de ne pas être compatible avec la dignité humaine, en plus d’être odieuse ou intolérable pour la société. Eu égard à l’objet de l’art. 12, ce critère est inextricablement ancré dans la dignité humaine et ne saurait s’appliquer aux traitements ou peines infligés aux personnes morales.

Comme on s’entend généralement que ce genre de protection vise à éviter que l’État ne puisse infliger des douleurs et des souffrances physiques ou morales au moyen de peines dégradantes ou déshumanisantes, il semblerait étrange d’étendre la protection à de simples créatures artificielles créées par la loi et entièrement dépourvues d’humanité ou de dignité.

Bref, belle tentative de vous en tirer, mais non, cette entourloupette juridique ne passe pas le test: maintenant, payez et, la prochaine fois, munissez-vous du permis requis avant de faire des travaux de construction! Pas mal plus simple que devoir plaider jusqu’en Cour suprême une fois que vous vous faites pincer!