L’Ontario oblige ses employeurs à déclarer leurs outils de surveillance d’employés

Comme le rapportait cette semaine les médias, l’Ontario mettait récemment à jour sa législation en matière d’emploi, en obligeant dorénavant les employeurs ontariens à déclarer à leur personnel dans quelle mesure on les surveille à l’aide de leur ordinateur et de leur téléphone cellulaire, le cas échéant.

Dorénavant, les employeurs visés doivent adopter et publier pour leur personnel une politique écrite sur la surveillance électronique des employés, dans laquelle on doit indiquer si on surveille les employés par voie électronique et, le cas échéant, décrire la manière et les circonstances dans lesquelles on le fait, les objectifs d’usage éventuel des données ainsi recueillies par l’employeur.

Cela obligera dorénavant les entreprises à le révéler, par exemple, si on utilise un système ou un logiciel subreptice destiné à gérer la productivité des employés (officiellement), en surveillant par exemple l’usage (plus ou moins continuel) de la souris, les touches tapées au clavier, les applications utilisées ou les sites Web visités par l’employé. En somme, la nouvelle loi ontarienne vise à informer les employés pour qu’on sache désormais au moins SI et dans quelle mesure on est surveillé au travail sur les appareils électroniques qu’on utilise au quotidien pour effectuer notre travail.

La nouvelle règle vise les entreprises embauchant 25 ou plus. Il n’existe actuellement rien de tel au Québec et je n’ai entendu parler d’aucune initiative à ce sujet pour l’instant. Actuellement, un employeur québécois peut généralement surveiller l’usage de son matériel informatique et de son infrastructure de réseautique, sans devoir pour autant le déclarer à son personnel, bien que la législation en matière de renseignements personnels s’appliquant désormais ici place des balises quant à l’information qui peut être collectée au sujet d’individus.

Entreprises au Québec: vous avez des employés, donc des données et des devoirs à faire!

Comme vous le savez probablement, jusqu’à maintenant, le droit québécois ignorait largement le fait que toutes les organisations et entreprises détiennent, invariablement, des données sur leur personnel. En effet, la loi québécoise touchant la protection des renseignements personnels a longtemps fait fit de ce fait, préférant se concentrer sur tous les autres cas où des entreprises détenait et utilisait des données de ce genre. Avec la nouvelle mouture de la Loi modernisant des dispositions législatives en matière de protection des renseignements personnelsLoi»), de 2022 (une loi résultant du Projet de loi no 64), tout cela vient de changer.

La Loi de 2022 vient imposer toute une série de nouvelles obligations aux organisations détenant des données personnelles sur autrui. Dès maintenant, toutes les organisations, incluant même les PME, doivent donc commencer à porter attention à la question de la protection des renseignements personnels, en commençant, eh oui, par tous les renseignements que détiennent les organisations de tout acabit sur leurs employés. Ce serai d’autant plus important que la Loi prévoit dorénavant qu’on pourra imposer des amendes aux organisation contrevenante de l’ordre de 25 MILLIONS (oui, 25 000 000$) de dollars ou, même, à l’équivalent de 4% de son chiffre d’affaires annuel. Ai-je votre attention?

L’une des première chose à faire est de réaliser, au niveau de l’organisation, qu’on doit désormais commencer à se préoccuper de protection des renseignements personnels. Il faut y dédier des ressources, s’organiser et, eh oui, commencer à s’informer adéquatement quant à ce que la loi exige en matière de protection des données à caractère personnel. Pour les PME, ce sera malheureusement parfois la première fois où on fait cet exercice, la loi étant souvent vue à ce sujet comme une affaire de multinationale sans importance pour les plus petites entités.

Ensuite, si on commence à regarder ce que prévoit la Loi spécifiquement, on réalisera rapidement qu’il faut obligatoirement désormais mettre en place des protocoles, des politiques et des pratiques dictées par chaque organisation dans le but de bien gérer et encadrer sa gouvernance en matière de protection des renseignements personnels en sa possession. Oui, les jours du laisser-aller généralisé à ce sujet sont, en principe, maintenant chose du passé. Temps pour toutes les organisation de s’y mettre!

Fait intéressant, pour ceux et celles qui pourraient penser s’en tirer en ne faisant rien à ce sujet, en catimini: la Loi prévoit que chaque organisation devra (c’est une obligation non-optionnelle) rendre publiquement accessible tous ses protocoles, ses politiques et ses pratiques en la matière. Oui, vous lisez bien et, ceci à compter de dès maintenant.

Premier exemple spécifique au personnel, la Loi prévoit des règles contraignant la mesure dans laquelle les employeurs peuvent faire effectuer un traitement automatisé de renseignements personnels sur des employés potentiels ou présents, afin de prendre une décision sur leur embauche, leur promotion, etc. Généralement, bien que ce soit permis, les employeurs devraient s’informer des règles s’appliquant à ce type de traitement de données par des technologies telles l’intelligence artificielle.

La Loi confirme aussi (comme c’est le cas presque partout ailleurs) que toutes les organisations québécoises devraient se munir d’une politique de gestion des renseignements personnels, qu’on doit rendre accessible au personnel et au public. Cela comprend adopter une telle politique touchant les données des employés et prenant en compte les outils qu’on utilise dans l’organisation pour surveiller ou gérer le travail des salariés, comme par exemple les outils de surveillance, les outils de gestion de performance des employés, etc.

Règle générale, les entreprises québécoises devraient amorcer un réexamen de leurs pratiques de ce genre quant à leur personnel, en comprenant qu’on doit dorénavant porter généralement attention à la notion de consentement du personnel. Notons à ce sujet que le nouveau critère d’un consentement valable implique qu’il soit donné à des fins spécifiques, de surcroit «manifeste, libre et éclairé». En pratique, quand c’est nécessaire, chaque employé devra donc réellement consentir, après lui avoir demandé dans des documents distincts du reste des documents d’emploi. Attention, cela place la barre relativement haute!

À ce sujet, il faudra d’ailleurs dorénavant aussi faire bien attention à l’usage de systèmes divers permettant de surveiller, d’identifier ou de localiser nos employés et d’amasser des données quant à eux. Il faudra notamment informer le personnel visé des raisons sérieuses le justifiant et obtenir leur consentement à cet usage de renseignements les concernant, etc.. En un mot comme en mille, la période où on faisant ce qu’on voulait à ce sujet est bien révolue au Québec.

Autre obligation déjà en vigueur, depuis la semaine dernière: on doit désigner un responsable de la protection des renseignements personnels dans chaque organisation, incluant en diffusant cette information, dont auprès du public et des employés. Cette obligation s’avère conforme dans ce qui se faire dans bon nombre d’autres juridictions et n’a donc rien de bien surprenant. Chaque entreprise et organisation devrait donc en principe avoir quelqu’un (qu’il soit à l’interne ou à l’externe) qui soit chargé de ce genre de questions. Dans le cours normal des choses, on devrait choisir pour ce faire un membre de la haute direction détenant l’expertise nécessaire à gérer le genre de données qu’on possède, un individu qu’on devrait munir de l’autorité nécessaire afin de combler ce rôle.

Désormais, il est aussi important de noter que la Loi exigera qu’on rapporte à la Commission d’accès à l’information (la «CAI»), le chien garde québécois quant à ce genre de question), les incidents éventuels de sécurité ayant potentiellement résulté dans la perte ou la fuite de données personnelles. Cela comprendra les cas où on réalise avoir été la cible de pirates informatiques, les pertes d’ordinateurs portables contenant des données sensibles, etc. Côté salariés, à compter de maintenant, les employés désirant se plaindre des pratiques de leur employeur quant à leurs données pourront d’ailleurs porter plainte auprès de la CAI.

Bien que ce ne soit pas toutes les dispositions de la Loi qui soit déjà en vigueur (l’entrée en vigueur s’avère graduelle d’ici à 2024), une partie de celles-ci le sont déjà -attention et faites vos devoirs!

Le Canada met à jour sa Loi sur la concurrence

Des amendements non-négligeables de la Loi sur la concurrence (la «Loi») entraient ce mois-ci en vigueur, au Canada, incluant afin de la moderniser et de lui donner plus de mordant. Ces changements comprennent les suivants, au cas où vous n’auriez pas vu passer la nouvelle vous non-plus:

  • On interdit dorénavant la pratique du «prix au compte-goutte» (en anglais, «drip pricing»), ou la tendance qu’ont certains détaillants en ligne à divulguer graduellement le prix de ce qui était pourtant annoncé à un prix relativement bas. Vous avez vu cela, comme moi, j’en suis certain : au début, on parle de X$, puis au fur et à mesure des écrans et du processus de réservation ou d’achat, le prix grimpe graduellement, en y ajoutant un frais pour ci, puis un prix pour ça, etc. À ce sujet, la Loi considère maintenant que ce genre de pratique peut équivaloir à de la publicité trompeuse. Eh oui, si tu vois un billet d’avion annoncé à 800$ mais que le prix final est de 1300$, il y a peut-être un problème!
  • Parlant de publicité trompeuse, les amendements récents renforcent les pénalités et amendes prévues par la Loi, en prévoyant que l’amende peut désormais être fixée non-seulement à un montant fixe (comme auparavant), mais aussi de deux autres façons possibles. On pourra désormais alternativement calculer les pénalités de ce genre sur la base du profit qu’a fait l’entreprise par l’entremise de sa tromperie (si on peut le déterminer) ou sur la base du revenu global de l’entreprise. Dans ce dernier cas, la nouvelle règle fixe un plafond à 3% du revenu global annuel de l’entreprise ayant ainsi violé la Loi en matière de publicité trompeuse. Je pense qu’avec des méga-entreprises (comme les Google et Amazon de ce monde) devenues si riches, disons qu’on a plus ou moins le choix de prévoir ce genre de règle, si on veut éviter qu’il s’avère trop facile pour elles de ne pas porter attention à nos lois.
  • Au sujet des amendes, d’ailleurs, les changements récents à la Loi éliminent aussi le concept d’amende maximale prévue pour les infractions pénales. Autrefois fixé à 25 millions de dollars (une pacotille de nos jours), le tribunal peut désormais imposer une amende d’un montant qui s’avère approprié, à sa discrétion. Encore une fois, c’est le genre de règle qui donne de la flexibilité aux tribunaux qui doivent imposer des sanctions en vertu de la Loi, incluant quand l’infraction a été commise par une entreprise de taille, peu susceptible d’être trop inquiète d’une amende éventuelle de quelques millions de dollars.
  • On ajoute une prohibition dans la Loi à l’encontre des ententes de type «anti-braconnage»  (en anglais, «anti-poaching»), un type d’accord permettant à deux employeurs distincts, de convenir de ne pas se «voler» leurs employés respectifs. Désormais, ce genre d’entente entre dans ce qu’on considère comme des restrictions inacceptables aux conditions de travail des salariés au Canada, au même titre que deux concurrents qui fixeraient conjointement les conditions de travail de leur personnel.
  • On permet dorénavant le dépôt par des tiers de procédures visant à sanctionner l’abus de position dominante, une possibilité qui était jusqu’à maintenant essentiellement réservée au Bureau de la concurrence qui pouvait choisir ou non de poursuivre les entreprises délinquantes. Désormais, un concurrent peut en poursuivre un autre pour ce genre de problème dans l’espoir d’obtenir un jugement pour abus de position dominante.

Ces amendements sont en vigueur depuis le 22 juin 2022.