Quand le mandat de perquisition se met à l’heure du numérique

On rapporte, depuis l’annonce des nouvelles directives de la santé publique québécoise, que l’État québécois vient de munir ses forces de l’ordre d’outils visant à faciliter le travail des policiers pour composer avec la COVID-19, ou plutôt avec le manque de discipline de nombreux Québécois. On a ainsi donné aux policiers un nouveau type de contravention à remettre aux récalcitrants, en plus de prévoir la possibilité pour les policiers de faire usage de ce qu’on nomme des «télémandats».

La première nouveauté à ce sujet a trait à un simple détail essentiellement administratif du processus de donner une contravention, grâce à une modification relativement récente apportée au Code de procédure pénal. Avec cette version simplifiée (et instantanée), les policiers peuvent dorénavant remettre un constat d’infraction, avec une amende de 1000$ en plus de frais de plus de 500$ aux contrevenants, et ce, sur le champ. Ouch.

La deuxième nouveauté, et c’est là l’aspect technologique qui m’intéresse, c’est qu’on facilite désormais le travail des policiers pour obtenir la permission d’un juge en certaines circonstances quand un mandat (par ex., de perquisition) est nécessaire. Selon l’article de La Presse:

«L’utilisation du télémandat a été élargie en vertu d’un projet de loi adopté en juin “visant principalement à favoriser l’efficacité de la justice pénale et à établir les modalités d’intervention de la Cour du Québec dans un pourvoi en appel” ».

Selon ce qu’on peut lire dans les médias à ce sujet, c’est que le gouvernement réalise que des règles régissant ce que font les citoyens à la maison (comme recevoir de la visite) risquent fort d’être ignorées par de nombreux Québécois si les règles habituelles de protection de la demeure des citoyens (contre l’intrusion des forces de l’ordre) continuent à être appliquées de façon, disons, classique. Si un citoyen fait une plainte parce que son voisin reçoit des amis (par exemple), que peuvent y faire les policiers si on se refuse à les laisser entrer ou à répondre à la porte? Normalement, la réponse serait «pas grand-chose, à moins d’un crime qu’on peut constater de l’extérieur ou d’un sérieux problème qui mérite d’aller chercher un véritable mandat de perquisition en se présentant devant le juge afin qu’il émette l’ordonnance requise».

La solution qu’a trouvée l’État pour pallier ce problème dans le contexte de la pandémie, c’est de préconiser (et de permettre) l’utilisation de mandats qu’on peut obtenir à distance, par des moyens technologiques ou même par téléphone, au pire. C’est un peu comme les forces policières et le système judiciaire qui se mettent à l’ère de Zoom, si vous voulez. Pas super pour les libertés individuelles, mais pas mal plus efficace comme manière de procéder quand des citoyens décident d’être délinquants en matière de santé publique.

Une telle demande de télémandats implique que les policiers aient des motifs raisonnables de croire qu’une infraction est en train d’être commise à telle adresse et qu’un policier signe une déclaration à cet effet, qu’il communique au juge par un moyen technologique quelconque, incluant, au pire, le téléphone. Eh oui, même le système procédural pénal québécois est rendu là.

Et c’est reparti de plus belle: le Québec réamorce dès aujourd’hui le chrono quant aux délais devant ses tribunaux

Comme on s’en souviendra, avec la pandémie, le Québec avait imité nombre d’autres juridictions en suspendant les délais qu’ont les justiciables devant ses tribunaux, notamment pour amorcer des recours. À compter d’aujourd’hui, le 1er septembre 2020, cette suspension est officiellement levée. On peut (et on doit) à nouveau se présenter devant les tribunaux, et les périodes de prescription courent normalement dès aujourd’hui. Gare à vous! En pratique, la suspension des délais de prescription (et des délais de procédure) par les arrêtés ministériels en question (no 2020-4251 et 2020-009) aura donc duré un beau 170 jours, à savoir 5 mois et 17 jours. Oui, voilà presque 6 mois que le système judiciaire est largement sur «pause». L’effet de la suspension est notamment de reporter de 170 jours tout calcul de la période qu’a une personne ou une entreprise pour intenter un recours judiciaire devant les tribunaux québécois, pour une affaire datant d’avant mars 2020. Les avocats s’occupant de dossiers en cours doivent aussi dès aujourd‘hui considérer que les délais de procédure continuent désormais à courir, comme c’était le cas auparavant.

Nouvelle prolongation d’une quinzaine de jours par l’OPIC quant à l’ensemble de ses échéanciers

L’Institut de la propriété intellectuelle du Canada (l’«IPIC») annonçait hier à ses membres que ses représentants s’étaient à nouveau entretenus avec ceux de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (l’«OPIC») au sujet du report de l’ensemble des délais dans les dossiers de P.I. canadiens. Cette fois, l’OPIC confirmerait qu’il repoussera les dates butoirs au 24 août 2020 afin de pallier les contraintes associées à la pandémie, pour nous tous comme pour lui.

Encore une fois, ce report des échéanciers dans les dossiers devant l’OPIC touche l’ensemble de ceux-ci, y compris en matière de marques de commerce, de brevets, de dessins industriels et de droits d’auteur.

L’OPIC se réserve évidemment à nouveau la possibilité de repousser cette date ultérieurement, tout dépendant des conditions en vigueur d’ici la fin du mois quant à la COVID-19 et à ses conséquences. Avec la deuxième vague appréhendée, tout demeure possible de ce côté.